Signature de la lumière :
L’obtention
d’une image latente en photographie demande certaines conditions
incontournables : lumière, énergie, surface sensible, appareil de prise
de vue. Mais, pour Edouard, il est une autre condition indispensable : il
faut que ses œuvres soient habitées par l’esprit du lieu - le Genius
Loci. À l’origine de cette démarche, il y a l’étonnement d’un
enfant devant des taches de couleurs. Les reflets d’un vitrail sur le
sol dallé d’une église, la révélation que cette magie des couleurs
était le fruit d’un heureux hasard : le jeu du soleil au travers des
verres filtrants du vitrail. Expérience déterminante pour la vie et la
carrière d’Édouard, artiste, professeur d’art, toujours fasciné par
le pouvoir procréatif de la lumière et de l’art. À l’instar des
Impressionnistes en quête de cette lumière si particulière de l’Ouest
de la France, sa recherche le poussera à délaisser régulièrement sa
ville natale de Cologne pour arpenter la Normandie. En l’espace de 20
ans, elle deviendra sa seconde patrie. C’est dans cette région façonnée
par l’histoire et le climat maritime, où lumière, espace et temps se
conjuguent à l’infini, que l’artiste trouve les conditions de sa démarche
créatrice. L’outil qu’il manipule ne peut être qu’un instrument à
la mesure de l’enjeu: la chambre grand format apporte la connotation nécessaire
en termes de temps, de dimension, de recul nécessaire pour l’exposition
directe de l’unique original qui retiendra la Signature de la Lumière
(jamais plus d’un seul cliché par motif). Les premiers fruits de cette
recherche seront des séries photographiques et des installations en
plexiglas exposées dans l’espace public de Cologne (1993-1995). Fort de
ces expériences, l’auteur développera, dès le milieu des années
1990, des créations photographiques en noir et blanc où transparaît
plus intensément son corps à corps avec le phénomène de la lumière.
Le négatif direct sur papier ciré, un procédé inventé par Gustave Le
Gray, constitue le support idéal pour rendre compte du processus créatif
auquel s’est attaché Edouard. De nombreux artistes ont laissé les
traces de leur passage et de leur histoire toute personnelle en Normandie.
Chacun à sa manière, à l’aide du texte ou de l’image, a su se
recommander à la postériorité. Lorsque l’auteur, chargé de sa
chambre grand format et de son trépied massif, arpente le bocage normand
tel le peintre avec son chevalet, le message qu’il délivre sera forcément
déterminé par son expérience sur le terrain. C’est un nouveau
processus de la relation temps, espace, lumière, qui impose ses lois. La
lumière y détient le rôle principal, l’auteur n’intervenant qu’en
tant qu’opérateur pour la composition et le cadrage. Ce sont, bien
évidemment,
des critères différents - voire opposés - de ceux de la photo instantanée
qui découlent de cette démarche : lenteur, conscience du moment et de la
durée, quantité et qualité, discernement, observation, capacité de
ressentir. Sur le cliché, la nature même de cette démarche laisse son
empreinte. Le vide des ciels, caractéristique des expositions très
longues, met en valeur les autres éléments de l’image et renforce la
tension au sein du cadre, tout en offrant de l’espace au temps. La «
Signature de la Lumière » donnera naissance à chaque fois à un objet
unique : un négatif en papier ciré aux valeurs inversées, aux côtés
inversés, pourvu de textes ou de légendes où opacité et transparence
se jouent du regard de l’observateur.
(Gérard Pleynet - Buchautor/Journalist/Fotograf, München/Coutances
- Basse Normandie) |